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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 14:16

 

Toutes mes confuses le blog tourne un peu au ralenti en ce moment pour cause de reprise des TD + thèse à avancer un peu quand même, etc. donc je devrais continuer à publier au rythme d’un billet par semaine dans les semaines à venir, mais guère d’avantage.

 

Aujourd’hui un petit billet dans la série non mais ils se foutraient pas un peu de notre gueule quand même ?

 

Après l’élaboration du protocole de Kyoto, les gouvernements ont demandé aux économistes d’évaluer les coûts de sa mise en œuvre afin d’avoir une estimation des conséquences économiques de la mise en place d’un tel protocole. Et puis finalement de se poser la question : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

 

Voici, avec le tableau ci-dessous, un exemple d’estimations qu’on peut trouver dans les articles économiques sur la question. Le chiffre -0,67% par exemple pour le PIB de l’Union Européenne signifie la chose suivante : si le protocole de Kyoto était mis en œuvre, le PIB de l’UE serait inférieur en 2010 de 0,67% par rapport à ce qu’il aurait été sans sa mise en place.

 

kyoto 1

Source : Evaluation des coûts macroéconomiques du protocole de Kyoto

Florent Pratlong, Denise Van Regemorter

 

Comme vous le savez ce protocole demande aux pays de revenir à leurs émissions de 1990. Or, comme la Russie et les plupart des pays d’Europe de l’Est émettaient plus de CO2 en 1990 qu’aujourd’hui, ces pays disposent de plus de droits à polluer qu’ils n’en ont besoin. Le protocole de Kyoto prévoit alors que ces pays puissent vendre cet excès de droits à polluer non-utilisés. Par conséquent, le protocole de Kyoto devrait rapporter un certain nombre de devises à ces pays.

 

Or que lit-on sur le tableau ? Que les pays qui devraient ressentir le plus durement le protocole de Kyoto, en termes de PIB et d’emploi, sont justement les pays d’Europe de l’Est et l’ex-URSS. La Russie subirait ainsi une contraction de presque 4% de ses emplois (soit quand même, sachant qu’il y a environ 70 millions « d’emplois » en Russie, une perte sèche de 0,04*70 000 000 = 2 800 000 (deux millions huit cent mille !!!) emplois.

 

Glurps, ça fait froid dans le dos..

 

On pourrait se dire que la Russie, qui exporte beaucoup de gaz naturel, devrait être touchée par une baisse de ses exportations de gaz consécutive à la baisse des émissions demandée par le protocole. Certes, mais d’une part rien n’est moins sûr, et d’autre part on parle quand même de deux millions huit cent mille emplois en moins ! Autre chiffre qui peut sembler mystérieux, on constate que si la Russie perdrait deux millions huit cent mille emplois, elle verrait en revanche sa consommation privée augmenter de plus de 8%.

 

Comment diable comprendre ces résultats ?!

 

Pour cela, il faut savoir que le modèle considère que chaque pays possède un unique travailleur consommateur représentatif de l’ensemble de la population, comme d’habitude hyper-rationnel et tout et tout.. (ce que font tous les modèles sur la question) Mais lisez plutôt :

 

kyoto 2 

Comme vous avez pu le lire, cet individu possède entre-autres dans ses prérogatives le luxe de choisir son temps de travail (car déterminer son temps de loisir veut dire déterminer son temps de travail, si je prends 16 heures de « loisirs » dans ma journée, c’est que j’en travaille 8).

 

Or, la vente par la Russie de ses droits à polluer en excédent va générer un excédent de revenus et une partie de ce revenu va nécessairement arriver dans les poches de notre unique salarié - consommateur russe qui représente la Russie toute entière. Grâce à cet argent, notre consommateur russe va pouvoir consommer d’avantage.

 

kyoto 3

Ces revenus, issus de la vente des droits à polluer, peuvent être considérés comme une rente pour notre salarié - consommateur représentatif. Comme un loyer ou un dividende, il est assuré d’avoir cette masse d’argent sans n’avoir pas encore fourni une seule heure de travail. Du coup, plus riche et pas fou, que va décider notre consommateur maintenant qu’il touche une petite pension en plus de son salaire ? Eh bien de moins travailler ! Il va réduire son offre de travail. Or comme il va moins travailler et qu’il représente toute la Russie, cela signifie que chaque employé russe va moins travailler, d’où la baisse du PIB et de l’emploi malgré la vente des droits à polluer !

 

kyoto 4

 

Ah mais qu’on est con, qu’on est con ! c’est évident ! si le PIB Russe diminue suite à la mise en place du protocole de Kyoto, c’est parce que l’Etat Russe va redistribuer aux ménages une partie des recettes issues de la vente des droits à polluer, et que du coup l’ouvrier qui gagne 300 € par mois pour 40 heures de travail (durée légale du travail en Russie) va aller voir son patron pour lui expliquer qu’il va travailler quelques heures de moins, ce qui va faire baisser le niveau de production de la Russie ! En fait nos deux millions huit cent mille offres d'emplois en moins représentent juste la quantité d'heures de travail en moins que les Russes souhaitent effectuer !

 

Mais acceptons cette logique et suivons-là.. si la production en Russie est limitée par le désir de travailler de sa population active tant elle gagne trop bien sa vie, pourquoi les entreprises n’embauchent-elles des chômeurs pour augmenter leur production ? (ils représentent à peu près 6% de la population active, c’est toujours ça de pris !) Mais non, qu’on est con qu’on est con, elles ne peuvent pas.. puisque dans le modèle il n’y a pas de chômage !!!!

 

kyoto 5

 

kyoto 6

 

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commentaires

E
<br /> <br /> Oui, c'est vrai que pour une augmentation du salaire réel de 1,34%, une augmentation du chômage de 3,94%, ça fait un peu gros si la seule explication est, comme ici, l'effet de substitution (pour<br /> ne pas dire que c'est impossible).<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Un petit post pour te dire que je recommence à lire ton blog avec un certain intérêt.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce qui est surprenant, c'est que je pensais de manière intuitive que la principale externalité négative du protocole de Kyoto pesait principalement sur la production, et nécessiterait, à quantité<br /> de production donnée, des coûts fixes plus importants afin de se doter de technologies productives moins polluantes, et qu'il en résulterait un affaiblissement momentané de l'offre de biens et<br /> services.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Or, dans cette étude, plusieurs choses m'interpellent :<br /> <br /> <br /> - Comment les recettes de l'hypothétique vente de permis viendraient remplir les poches des russes au point d'augmenter la consommation privée de 8%, tandis que les investissements baissent de<br /> 3%? Il faudrait donc supposer qu'une partie de ces recettes soient captés par des individus qui consomment une grande partie de leurs revenus, soit les plus pauvres, et que l'augmentation de la<br /> demande soit assez forte pour que, conjuguée à la contraction de l'offre liée aux termes du protocole lui même, nous nous retrouvions avec une augmentation de 8% de la consommation. Or on voit<br /> mal par quel biais ce genre de transferts pourraient être réalisés.<br /> <br /> <br /> - Bien sur la méthode du consommateur représentatif m'a l'air assez mauvaise. Si en revanche, on peut admettre qu'un enrichissement de la population peut produire un effet de substitution, compte<br /> tenu du tiret juste au dessus, on est en droit de se demander comment la population s'enrichirait, et compte tenu de l'hétérogénéité des préférences des consommateurs, pour estimer correctement<br /> l'effet sur la consommation et l'investissement, il faudrait connaître précisément la répartition des recettes nettes de la vente, en déduire ses effets sur les inégalités dans un premier temps,<br /> et dans un deuxième temps, en déduire les changements produits en matière d'utilisation des revenus en fonction du revenu de chaque agent.<br /> <br /> <br /> - Je vois mal comment on peut considérer le comportement de la Russie sur le marché des permis à polluer comme autre chose qu'une variable exogène, pour le coup.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bref, beaucoup trop de variables prises en compte sont exogènes, ce qui fait que j'aurais du mal à prendre cette étude au sérieux.<br /> <br /> <br /> Par contre, sur la question de l'effet de substitution, j'ai l'impression que tu n'y croies pas, qu'est-ce qui te choque ?<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Je suis d'accord. Concernant l'effet de substitution, il ne me choque pas en théorie, mais pour ce cas là oui il me choque ! Je ne crois pas qu'un Russe qui travaille 40 heures par semaine pour<br /> un salaire moyen de 400 € par mois va vouloir travailler tout d'un coup moins parce qu'il gagne 10 ou 20 € de plus ! Le niveau de vie est encore trop faible pour que l'effet de substitution<br /> puisse jouer.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Les phrases que vous avez extraites me semblent effectivement bizarre. Le fait que les ménages réduisent leur offre de travail (et donc le PIB) n'est pas un mal en soi. Qui plus est, rien<br /> n'interdit de diminuer les taux marginaux plutôt que de redistribuer forfaitairement (encore que cette dernière option soit sans doute plus juste).<br /> <br /> <br /> Pour que cela soit gênant, il faut supposer qu'il existe des externalités et/ou des rendements d'échelle croissants qui disparaissent du fait de la réduction ou que l'existence de la rente<br /> entraîne une augmente des activités de capture de rente et de corruption.<br /> <br /> <br /> On est alors typiquement dans le cas de la maladie hollandaise que l'on peut limiter à travers la sous-évaluation de la monnaie via la constitution de fonds souverains et de réserves de change.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Un post par semaine, c'est déjà très bien et c'est une cadence que je parviens à tenir sur mon blog.<br /> <br /> <br /> j'ai trouvé votre post très intéressant, et je lis toujours avec incrédulité les hypothèses retenues dans beaucoup (la plupart?) des modèles. Vous avez dû l'écrire avec une certaine jubilation<br /> dans votre entreprise de désacralisation des modèles néo-clasiques (et je veux bien participer à votre croisade), mais du coup, c'est pas évident d'enchaîner avec les contraintes d'une thèse.<br /> <br /> <br /> Il me semble que Staline demandait matois: le Pape, combien de divisions? L'économiste me semble regarder les chercheurs des autres sciences sociales en demandant: Combien de modèles<br /> économétriques? Je n'attends pas un effondrement de l'économie pour faire le parallèle avec Staline, mais un peu plus d'ouverture d'esprit. Ceci dit est-ce possible? J'ai rencontré surtout des<br /> MCF intéressants dans des discussions à bâtons rompus mais produisant des analyses me semble-t-il très formatées pour éviter de saborder leur discipline.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Et vous allez voir l'article dont je parle dans le billet suivant est encore pire !! <br /> <br /> <br /> <br />