Toutes mes confuses le blog tourne un peu au ralenti en ce moment pour cause de reprise des TD + thèse à avancer un peu quand même, etc. donc je devrais continuer à publier au rythme d’un billet par semaine dans les semaines à venir, mais guère d’avantage.
Aujourd’hui un petit billet dans la série non mais ils se foutraient pas un peu de notre gueule quand même ?
Après l’élaboration du protocole de Kyoto, les gouvernements ont demandé aux économistes d’évaluer les coûts de sa mise en œuvre afin d’avoir une estimation des conséquences économiques de la mise en place d’un tel protocole. Et puis finalement de se poser la question : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?
Voici, avec le tableau ci-dessous, un exemple d’estimations qu’on peut trouver dans les articles économiques sur la question. Le chiffre -0,67% par exemple pour le PIB de l’Union Européenne signifie la chose suivante : si le protocole de Kyoto était mis en œuvre, le PIB de l’UE serait inférieur en 2010 de 0,67% par rapport à ce qu’il aurait été sans sa mise en place.
Source : Evaluation des coûts macroéconomiques du protocole de Kyoto
Florent Pratlong, Denise Van Regemorter
Comme vous le savez ce protocole demande aux pays de revenir à leurs émissions de 1990. Or, comme la Russie et les plupart des pays d’Europe de l’Est émettaient plus de CO2 en 1990 qu’aujourd’hui, ces pays disposent de plus de droits à polluer qu’ils n’en ont besoin. Le protocole de Kyoto prévoit alors que ces pays puissent vendre cet excès de droits à polluer non-utilisés. Par conséquent, le protocole de Kyoto devrait rapporter un certain nombre de devises à ces pays.
Or que lit-on sur le tableau ? Que les pays qui devraient ressentir le plus durement le protocole de Kyoto, en termes de PIB et d’emploi, sont justement les pays d’Europe de l’Est et l’ex-URSS. La Russie subirait ainsi une contraction de presque 4% de ses emplois (soit quand même, sachant qu’il y a environ 70 millions « d’emplois » en Russie, une perte sèche de 0,04*70 000 000 = 2 800 000 (deux millions huit cent mille !!!) emplois.
Glurps, ça fait froid dans le dos..
On pourrait se dire que la Russie, qui exporte beaucoup de gaz naturel, devrait être touchée par une baisse de ses exportations de gaz consécutive à la baisse des émissions demandée par le protocole. Certes, mais d’une part rien n’est moins sûr, et d’autre part on parle quand même de deux millions huit cent mille emplois en moins ! Autre chiffre qui peut sembler mystérieux, on constate que si la Russie perdrait deux millions huit cent mille emplois, elle verrait en revanche sa consommation privée augmenter de plus de 8%.
Comment diable comprendre ces résultats ?!
Pour cela, il faut savoir que le modèle considère que chaque pays possède un unique travailleur consommateur représentatif de l’ensemble de la population, comme d’habitude hyper-rationnel et tout et tout.. (ce que font tous les modèles sur la question) Mais lisez plutôt :
Comme vous avez pu le lire, cet individu possède entre-autres dans ses prérogatives le luxe de choisir son temps de travail (car déterminer son temps de loisir veut dire déterminer son temps de travail, si je prends 16 heures de « loisirs » dans ma journée, c’est que j’en travaille 8).
Or, la vente par la Russie de ses droits à polluer en excédent va générer un excédent de revenus et une partie de ce revenu va nécessairement arriver dans les poches de notre unique salarié - consommateur russe qui représente la Russie toute entière. Grâce à cet argent, notre consommateur russe va pouvoir consommer d’avantage.
Ces revenus, issus de la vente des droits à polluer, peuvent être considérés comme une rente pour notre salarié - consommateur représentatif. Comme un loyer ou un dividende, il est assuré d’avoir cette masse d’argent sans n’avoir pas encore fourni une seule heure de travail. Du coup, plus riche et pas fou, que va décider notre consommateur maintenant qu’il touche une petite pension en plus de son salaire ? Eh bien de moins travailler ! Il va réduire son offre de travail. Or comme il va moins travailler et qu’il représente toute la Russie, cela signifie que chaque employé russe va moins travailler, d’où la baisse du PIB et de l’emploi malgré la vente des droits à polluer !
Ah mais qu’on est con, qu’on est con ! c’est évident ! si le PIB Russe diminue suite à la mise en place du protocole de Kyoto, c’est parce que l’Etat Russe va redistribuer aux ménages une partie des recettes issues de la vente des droits à polluer, et que du coup l’ouvrier qui gagne 300 € par mois pour 40 heures de travail (durée légale du travail en Russie) va aller voir son patron pour lui expliquer qu’il va travailler quelques heures de moins, ce qui va faire baisser le niveau de production de la Russie ! En fait nos deux millions huit cent mille offres d'emplois en moins représentent juste la quantité d'heures de travail en moins que les Russes souhaitent effectuer !
Mais acceptons cette logique et suivons-là.. si la production en Russie est limitée par le désir de travailler de sa population active tant elle gagne trop bien sa vie, pourquoi les entreprises n’embauchent-elles des chômeurs pour augmenter leur production ? (ils représentent à peu près 6% de la population active, c’est toujours ça de pris !) Mais non, qu’on est con qu’on est con, elles ne peuvent pas.. puisque dans le modèle il n’y a pas de chômage !!!!