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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 10:00

Réponse à la question du dernier billet: la seule solution dans notre exemple serait qu’un nouveau propriétaire arrive sur l’île pour défricher un nouveau champ.

 

Dans ce cas (cf. schéma ci-dessous), il devrait emprunter 20 € à la banque lui-aussi pour payer 2 défricheurs. Ces 2 défricheurs consommeraient avec leurs salaires (on suppose toujours qu’ils n’épargnent pas). Le montant total de la consommation ne serait donc plus de 180, mais de 200 €. Ce qui permettrait aux deux premiers propriétaires de vendre leurs 200 papayes à 1 € et donc de réaliser 20 € de profits chacun. Ce qui permettrait au second propriétaire de rembourser à la banque la totalité de son prêt, comme dans le cas d’une économie de troc.


 

monnaie 5

 

Mais notre économie est-elle pour autant sortie d’affaire ?

 

Non, parce que le mois suivant il y aura 3 champs en activité, qui produiront 100 papayes chacun, soit 300 papayes. Si on suppose que les prix restent constants, ces 300 papayes seront vendues 300 €. Or, pour les produire, 3*10 ouvriers auront été employés et auront perçu un salaire de 8 € chacun, soit une masse salariale totale de 3*10*8 =240 €. A cela s’ajoute les 20 € que le propriétaire n°1 a reçu en profits au cours du mois précédent et dont il va se servir pour consommer, soit 260 €. Le propriétaire n°2 en revanche ne peut pas encore consommer, puisque les 20 € de profits qu’il a touché au cours de mois précédent lui ont servi à rembourser son prêt à la banque.

 

Il manque donc 40 € pour égaliser l’offre et la demande. Ce qui signifie, pour notre île, que deux nouveaux champs devraient être défrichés afin d’éviter une crise surproduction !

 

Et les choses seront encore pire le mois suivant, puisqu’il faudra alors investir 60 €, c’est-à-dire défricher 3 nouveaux champs pour éviter une surproduction !

 

Il faudra donc que notre île croisse à un taux très rapide, simplement pour éviter une crise de surproduction. Dans la réalité, le taux sera bien plus modéré car :


  • Les investissements ne se remboursent généralement pas sur un mois ou un an, mais sur plusieurs années.

 

  • S'ajouteront à l'endettement bancaire des entreprises, celui des ménages et de l'Etat.


  • Les chiffres retenus pour la simplicité de l’exemple (par exemple 20 € suffisent à disposer au bout d’un mois d’un champ pouvant produire 100 € de papayes) sont bien sûr très exagérés !

 

Mais ce qu’il faut retenir et ce que montre cet exemple, c’est que :


  • Les seuls revenus des salariés ne peuvent acheter l’ensemble de la production (logique).

 

  • Les seuls revenus des salariés ET des propriétaires (actionnaires dans le monde réel) non plus (notamment car un partie des profits réalisés sert à rembourser les investissements passés).

 

  • Il est donc nécessaire, pour égaliser offre et demande, que des entreprises recourent à l’investissement par endettement bancaire (on pourra généraliser par la suite à l’endettement bancaire global, en incluant les ménages et l’Etat).

 

  • Autrement dit, un certain taux d’investissement est nécessaire pour éviter une crise de surproduction.

 

  • Or l’investissement, par définition, concerne l’ensemble des dépenses (machines, etc..) qui permettent d’accroître la production d’un pays.

 

  • Donc l’accroissement des capacités de production d’une économie monétaire est nécessaire à sa stabilité (ce qui n’était pas du tout le cas avec l’économie de troc).

 

  • Il faut donc croître pour éviter une crise.

 

  • Il faut donc avancer pour ne pas tomber. 

 

Le mécanisme décrit ici n’est donc rien d’autre que celui d’une fuite en avant.

 

Dans notre île, si des arbres ne sont pas déracinés chaque mois pour créer de nouveaux champs de papayes, l’économie connaîtra chômage et surproduction. Aux grincheux qui s’inquiètent de la déforestation de l’île, qui provoquerait un bouleversement de l’équilibre écologique et constituerait une menace directe pour l’Homme, on rétorquera que sans ces nouveaux défrichements c’est la crise ! Alors on court, par peur de tomber, tout en sachant qu’au bout nous attend un fossé. Il faudrait bien changer de direction (en réformant ne serait-ce que partiellement les mécanismes de création et destruction monétaire par exemple, car ce sont eux qui sont à l’origine de cette fuite en avant), mais on est persuadé qu'il n'y en a pas d'autres et qu'on arrivera à trouver une solution miracle pour remplir le fossé avant d’y tomber.

 

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commentaires

G
<br /> <br /> Bonsoir Ette Rodox,<br /> <br /> <br /> Voici l'intitulé d'une thèse d'état (en ligne) qui exprime de manière relativement simple la pensée de Bernard Schmitt.<br /> <br /> <br /> "Offre et Demande : équilibre ou identité ? " C. de Gottardi<br /> <br /> <br /> A lire en vacances par exemple... <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Super, je la lirai, merci<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> Bonjour Ette Rodox,<br /> <br /> <br /> Merci pour la qualité de votre blog. J'aime  lire vos billets.<br /> <br /> <br /> Connaissez-vous Bernard Schmitt ?<br /> <br /> <br /> Il est à mon sens ce que Lacan a été pour la psychanalyse : un magistral succésseur de Freud.<br /> <br /> <br /> Sauf qu'ici, bien évidemment, il s'agit de Keynes et de la science économie.<br /> <br /> <br /> Sa découverte de la nature de la monnaie (et par suite de la vocation de cette dernière) demeure encore peu connu et mal<br /> comprise. pourtant elle révolution la vision que l'on peut se faire de l'économie.<br /> <br /> <br /> Sa nature tout d'abord : Fondementalement, elle est un actif-passif. Dit plus simplement une non-richesse. Crée en partie double, elle n'existe que dans les livres de comptes (par le nombre<br /> zéro).<br /> <br /> <br /> La richesse? Ce que le désir de l'Homme a réussi à concevoir et à concrétisée en biens et services(son produit)au cours d'une période donnée.<br /> <br /> <br /> Dans ces conditions, quelle est la vocation de la monnaie?<br /> <br /> <br /> Lui faire obtenir son produit sous  forme monétaire.<br /> <br /> <br /> Le versement des salaires opère cette mutation, ce que B. Schmitt appelle un échange absolu.<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Bonjour et merci,<br /> <br /> <br /> Bernard Schmitt, j'avais rencontré un doctorant qui était aussi très branché par sa théorie et m'en avait parlé. J'avoue que je n'avais pas bien tout saisi et que depuis je n'ai pas encore pris<br /> le temps de m'y intéresser, mais je vais essayer de m'y plonger un de ces 4.. (mais j'ai cru comprendre que ces théories exercaient une certaine fascination sur pas mal de monde !)<br /> <br /> <br /> <br />